mercredi, août 24, 2005

Les (vieux) masques tombent

Force est de constater que dans le vieux monde de la politique française le système binaire de la pensée, qui semble-t-il s'est internationalisé et à connu son point orbital sous la philosophie guerrière de George Bush ("Ceux qui ne sont pas avec moi sont contre moi"), a de beaux jours devant lui avec des ténors de la mauvaise foi comme Michel Rocard, dont les frasques de la pensée s'étalent dans le Nouvel Observateur, journal de la gauche "rangée" aux ordres du capitalisme compris comme fatalité de l'histoire.
"Il faut régler le débat centenaire (sic) entre pseudo-marxistes et vrais réformistes" assène gaillardement notre vétéran de la scène politique, sans se douter que dans cette proposition poussiéreuse il faut déjà relever un point sémantique douteux qui laisserait supposer qu'il regretterait de n'avoir pas eu affaire à de "vrais marxistes" au sein d'un PS au bord de l'implosion. Je vais vous consterner, mais ce n'est pas ce qui est révélé tout au long de l'entretien qu'il m'a été donné de lire, et qu'au contraire les "vieux marxistes" sont bien ceux qui ont osé appeler à voter pour le "non" au référendum sur le traité constitutionnel européen, tandis que les "vrais progressistes" sont bien les caciques du PS bon tein comme lui qui au passage brocardent les associations comme Attac qui ont osé pousser le peuple de France à essayer de comprendre ce que l'on essayait de leur vendre sous couvert d'un progrès sans limite, comme autrefois des réfrigérateurs à une France peu vigilante car sortant des années de privation dues à la guerre.
Au moins c'est clair ! Si vous avez voté "non", et que l'on vous demande ce que vous êtes politiquement, vous pouvez désormais avec assurance répondre "marxiste" dans les dîners en ville, ce qui est du meilleur effet je vous le jure. D'autant que papy cause de sa retraite verte de l'Aveyron, en chemisette lila, et j'imagine la piscine pas loin. Evidemment vous ne pouvez pas comprendre...
Moi ce que j'ai bien compris c'est que ces gens-là, Aubry, Strauss-Kahn, Lang et consorts, sont la nouvelle droite française collaborationniste qui se rallie "pour les intérêts du pays", refrain qui fleure bon la mise en parenthèse des valeurs de la République sous le gouvernement de Vichy en 1940, au dogmatisme libéral car on ne peu plus reculer. Car penser n'est-il pas dire "non" comme le préconisait Alain (c'est un philosophe) ? Penser contre le discours dominant n'est-il pas l'acte le plus probant que puisse accomplir un individu qui se considère comme tel et non pas comme un échantillon statistique ?
Alors Marx me direz-vous ? N'étant pas spécialiste je ne pourrait que vous conseiller de vous pencher sur les sites consacrés à la production de l'homme *, mais force est de dire, haut et fort, qu'au jour d'aujourd'hui, si une pensée, et une seule, a toute sa place pour entamer une réflexion critique sur le règne despotique de la marchandise érigée en culte suprême dans nos sociétés dégénérées, c'est Karl Marx, le philospophe qui a pensé aussi l'accumulation du capital et sa non redistribution comme élément constitutif du mal capitaliste. Ceci n'est pas une critique de l'économie de marché car celle-ci est consubstancielle à l'homme. Il y a eu des échanges dès l'aube de l'humanité, mais l'étude des modalités de leur mise en place et de leur systèmes permet aussi de révéler que ceux-ci, et c'est encore vrai dans les sociétés dites "sous-développées", s'exécutaient sur des valeurs autres à fort pouvoir symbolique. Et ne parlons pas de la valeur d'usage des choses qui s'est évanouie au profit d'une simple valeur d'échange, que la valeur travail elle-même est bafouée sur l'autel de la rentabilité et des exigences du tout marketing.
C'est parce que le "non" était protéiforme et que la gauche officielle refuse de l'accepter qu'elle va imploser en vol comme un Mac-Donnel Douglas mal révisé, et de grâce, ne vous appitoyez pas sur les pleurnicheries qui vont surgir ça et là à ce moment historique où la France sera débarrassée d'une "fausse gauche", pour entrer dans un âge de maturité ou la parole des citoyens sera de moins en moins encadrée par des professionnels de la pensée consensuelle.
* Voir particulièrement le site plein de ressources de Jean Zin.

dimanche, août 21, 2005

Dans un passé pas si lointain



Cela fait quelques temps déjà que j'y pense. Il va bien falloir se soumettre à quelques exercices de pensée retrospective. Pas de nostalgie à trois balles ! Surtout pas ! Mais savoir ce qui a vraiment compté pour nous, dans cette époque pas si lointaine "when we were so young and beautifull..."
"An ideal for leaving" qu'ils disaient. Jusqu'à quel passé récent avons nous su le tenir cet idéal. Pourquoi ces ballades dans un Paris dévasté par l'architecture moderniste des années 80 donnent-elles un goût amer ? Pourquoi le marché Malik des puces de Saint-Ouen n'offrira plus jamais au regard le même enchantement ? J'ai encore le souvenir des odeurs des fripes que l'on dénichait comme des trésors qui garantissaient au retour chez nous les signes d'une appartenance merveilleuse. Je ne me risque plus vraiment rue Saint-Denis, ou rue Sainte-Opportune sans chercher vainement les repères d'une époque indécise mais pleine de promesses. Ces promesses n'étaient-elles pas déjà seulement le mode de vie que nous nous autorisions pour survivre dans un monde que nous savions déjà vieux et obsolète ?
Quelqu'un a écrit que "le vrai sentiment de l'Europe est une nostalgie de l'Europe". En revoyant sur le petit écran "Les ailes du désir" de Wenders, j'ai trouvé que la force et la faiblesse de ce film résidaient, et cohabitaient, dans cette nostalgie. Les seuls personnages auxquels je portais attention étaient les personnes âgées, marchant dans un Berlin encore dévasté que déjà ils ne pouvaient reconnaître. Je développerai quelque chose là-dessus je pense.

samedi, août 20, 2005

Ne les lâchez pas d'une semelle !


Dans la théorie du renoncement érigé en philosophie de l'existence il semblerait bien que la classe politique française tout entière ai fait sienne ce principe qui défie toute éthique minimale alors qu'elle se doit de servir le peuple par le biais des mandats pour lesquels ces femmes et ces hommes ont été placés dans différentes assemblées pour nous représenter.
Selon les principes d'une approche dialectique hégélienne on peut se rendre compte que la mise en jachère de ces exigences de représentation procède du rapport des maîtres, dominants de classe, qui auraient intériorisé à un point tel leur position dans la hiérarchie sociale, qu'ils ne peuvent plus envisager de la voir remise en cause par le corpus indéfini des citoyens. Les votants du "oui" à la Constitution européenne ne se sont même pas rendus compte qu'ils étaient passés sous la coupe du discours dominant des ces maîtres, et trahissaient du coup eux aussi le peuple délaissé dans les affres de l'esclavage.
Nous sommes sous le coup des agressions répétées d'une caste d'élus singulièrement sûrs d'eux-mêmes qui assènent et professent d'en haut, d'une hauteur dont vous n'êtes même pas invités à faire partie puisque le principe de séparation sur lequel s'est établi leur pouvoir, par les diplômes accumulés, les hautes fonctions administratives occupées, leur permet cette impunité du discours.
Mais cette caste de couards assermentés, agripés à leurs mandats comme des coquillages à leur rocher, ne semble plus prétendre à rien de concret en terme propositionnel. Au contraire ils nous offrent le spectacle affligeant d'un renoncement permanent à proposer un modèle de société pérenne affranchi de la dictature de l'économie marchande, qui pourtant entraîne la ruine du monde et souille les bases anthropologiques des échanges symboliques humains fondamentaux. Leur dernier éclat ? Faire semblant de s'étonner, voire de s'affairer, sur la fragilité d'une économie liée à la consommation des hydrocarbures comme source d'énergie principale. Pourtant ce sont bien eux qui, au pouvoir, à droite comme à gauche, ont privilégié ce mode de consommation au mépris de la santé publique et de la raison économique même.
Constatez à quel point ils ont peur. Peur de bouger dans le sens d'une pensée individuelle, harnachés dans huis-clos calfeutré des secrétariats nationaux des grandes formations politiques dont plus rien ne sort depuis des lustres, terrorisés à l'idée de resservir quelques textes critiques issus d'une pensée libérée (Marx, Lefebvre, Morin, Lefort, Mascolo).
Le capitalisme se heurte depuis des années à l'incapacité même de résoudre son plus parfait paradoxe entre la réduction incessante du nombre de salariés à temps plein pour des raisons de maintien de la productivité, c'est-à-dire de la compétitivité sur un marché de la libre concurrence, et la sauvegarde d'un volant lambda minimum de travailleurs salariés susceptibles de dépenser un salaire minima dans des actes de consommation toujours plus aliénants.
La France semble s'être fourvoyée dans le ventre mou de la pensée économique et politque, au point que nous sommes débordés par une pensée critique du libéralisme produite aussi bien outre-atlantique (de Chomsky à Ryfkin), qu'outre-Rhin (de Sloterdijk à Bauman).
C'est pourquoi il faut non seullement rester vigilants sur le rendu des mandats de vos élus, mais ne pas les lâcher d'une semelle pour bien leur faire comprendre qu'ils doivent s'adapter à vos exigences, et non pas tenter de vous endormir par l'exact inverse.

jeudi, août 18, 2005

Sur le passage du temps et quelques images mexicaines




L'activité principale des individus dans les sociétés développées occidentales constistant à résoudre en permanence des questions liées au stress financier afin de maintenir un toit sur sa tête, un semblant d'alimentation saine dans son assiette et une scolarité encore digne à ses enfants, je n'échappe pas à la règle. Au contraire, compte tenu de l'évolution constante de notre environnement marchand, je la subit et tente de concilier une activité alimentaire dans les arts graphiques et une activité artistique en tant que photographe. C'est donc à une brève introduction à mon travail sur l'image que je veux vous amener. Ce sera l'occasion aussi de développer plus tard une critique radicale de la façon dont est présenté le temps libre dans nos sociétés, extension de l'aliénation à des activités de loisirs purement en lien avec l'économie, sans qu'aucun sociologue ou politicien officiel ne daigne relever que le seul progrès acceptable que nous puissions relever à l'issue de cet achèvement de la modernité est bien de débarrasser les gens de l'aliénation du travail pour qu'ils puissent s'accomplir dans l'enrichissement intellectuel et des échanges symboliques d'une autre teneur.
Lydia Mendoza, la chanteuse mexicaine dont vous voyez une photographie dans un article plus loin, est donc un lien pratique vers ce pays à la fois imaginaire et réel : le Mexique. Premier terrain de mes explorations photographiques, et surtout teritoire immense d'une initiation au voyage dont les fondements radicaux sont inscrits en moi pour toujours. C'est le Mexique de la Révolution (achevée), d'une littérature puissante (dont Carlos Fuentes est un des points d'orgue), et d'exporations anthropologiques et psychédéliques sous le signe d'Antonin Artaud chez les indiens huicholes, tarahumaras et yaquis.
Tout voyage commence par une attente dans une gare routière et l'éblouissement des destinations proposées comme un cadeau fait au monde. Puis viennent les premières sensations et les premières images d'une grande expérience. Puisqu'il y est question de musique... (NB : en passant votre pointeur sur le titre de cet article vous pouvez aller directement par un lien hypertexte vers l'adresse de mon portfolio en ligne sur le site chambrenoire.com).

Le bruit et la fureur

La société post-moderne a totalement digéré toutes les formes révolutionnaires produites par les "angry young men" de toute l'Europe durant tout le début du XXe siècle, mouvement accéléré par deux guerres mondiales de haute technicité parachevant même dans leur cynisme et leur totale cruauté les esthétiques des avant-gardes en consacrant le cubisme dans les tranchées de 1914-18, comme le constatera Fernand Léger, et le surréalisme froid à Hiroshima en août 1945, laissant Breton et ses amis à la terrasse d'un hypothétique café new-yorkais perdre leurs dernières illusions sur l'espèce humaine.
Charles Duits, écrivain prodigieux et oublié des français, jeune poète exilé aux côtés du pape du surréalisme aux Etats-Unis à ce moment même de l'histoire moderne, perdait ses croyances en une aube meilleure où la science consacrerait les ambitions d'une société qui se prétendait tournée vers l'achèvement du bonheur universel. Il retournera en France et, après quelques douloureuses crises mystiques, trouvera dans l'écriture d'une oeuvre unique dans son genre un échappatoire à la folie des hommes. Ses textes consacrent l'érotisme suprême et primitif à la manière d'un Reich et le dépassement de la conscience sous l'emprise d'expériences sous psychotropes qui réconcilieraient Michaux et Castaneda.
Ansi l'histoire commençait vraiment...

Lydia Mendoza


Lydia Mendoza est une chanteuse mexicaine issue d'une famille ayant émigré au début du XXe siècle du Mexique vers les Etats-Unis, fuyant la révolution mexicaine qui visiblement ne plaisait pas à ses parents plutôt conservateurs. Elle fera une brillante carrière au Texas chantant dans tous les théâtres et autres lieux consacrés à la musique populaire, enregistrant de nombreux disques, et finira par être nommée au Texan Women All of Fame.
Je l'ai découverte sur une compilation extraordinaire consacrée à la "Texan-Mexican border music", disque vinyl merveilleux (pochette cartonnée à fort grammage avec une carte détaillée de la région concernée) d'une série de plusieurs albums non réédités (comme hélas souvent depuis le passage au compact-disc) en cd.
Cette photographie peut servir d'introduction à des choses qui vont suivre...