1971

Claude Pélieu écrit en 1971 :
"1971, je me souviens... Londres roupillait, Paris était un charnier d'idées, ici plus rien n'existait, plus rien ne pouvait durer - tous morts - par centaines ils sont tombés dans le trou du souffleur, techniquement morts, vous comprenez ?...
Ils ont bonne mine les sociologues, les analystes, les militants, les journalistes, et tous ceux qui découvrirent l'Amérique - de quoi parlent-ils terrés dans leurs bunkers universitaires ou dans leurs crèches sauvages, leurs gros culs dans la choucroute ? De quelle société ? De quels nègres ? De quelle contre-culture ? De quels mouvements de libération ?... exotisme, parano... certains évoquent encore ces petits équipages subversifs, intensément cultivés, traversant l'Atlantique, quinze ou vingt ans après, avec Nikons et mini-cassettes atteignant la côte West avec Hertz et quelques gauchistes hébétés... « Marx et le p'tit Jésus bouddhique vous saluent bien », disait Jimmy Cul-de-Poisson... Mon Dieu ! Mystiques de prisunic et rabbins chétifs !... Plus de mystère, plus de féerie, rien ni personne - seule survit la bonne grosse connerie militante, et les mauvaises odeurs de la nouvelle gauche... mousse verdâtre phosphorescente dans les yeux bigles de l'interlocuteur."
Je me souviens de Claude Pélieu. De "tatouages mentholés et cartouches d'aube" que je lisais fébrilement dans un joli café vers la rue Drouot, parce que la vie me semblait ne pouvoir ressembler qu'à ça, à des heures de lectures diverses dans des cafés qui à l'époque sentaient encore le vieux Paris, et étaient faits de tables lourdes et gracieuses à la fois, de sièges élégants s'accordant avec lesdites tables. Je me croyais en Italie ; déjà. Je me souviens qu'il avait traduit Burroughs, et que la rumeur courrait qu'il avait filmé le MC5 en concert. Rien que ça, ça vous colle un bonhomme… Je sais surtout que plu spersonne n'écrira comme ça. Que la langue n'éclatera plus jamais en mille éclats comme ça. Que le rock ne sera plus jamais comme ça.


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