dimanche, novembre 27, 2005

Thucydide, Livre VIII, chapitre 66


Thucydide est une figure de l'Antiquité grecque. Né à Athènes en - 460 et décédé en - 395, il est le premier historien connu à avoir saisi l'importance d'analyser les événements dans leur globalité économique et sociale, et non seulement en faisant un simple compte rendu historique de ceux-ci. Se documentant sur les armées en présence, il écrira une oeuvre unique et d'importance à laquelle Guy Debord fera référence : "Histoire de la guerre du Péloponnèse".
Debord relève qu'au livre VIII, chapitre 66, de la "Guerre du Péloponnèse" Thucydide dit, à propos des opérations d'une autre conspiration oligarchique, une chose qui fait singulièrement écho avec la situation sociale actuelle, révélée par la crise des banlieues : « Qui plus est, ceux qui y prenaient la parole étaient du complot et les discours qu'ils prononçaient avaient été soumis au préalable à l'examen de leurs amis. Aucune opposition ne se manifestait parmi le reste des citoyens, qu'effrayait le nombre des conjurés. Lorsque quelqu'un essayait malgré tout de les contredire, on trouvait aussitôt un moyen commode de le faire mourir.
Les meurtriers n'étaient pas recherchés et aucune poursuite n'était engagée contre ceux qu'on soupçonnait. Le peuple ne réagissait pas et les gens étaient tellement terrorisés qu'ils s'estimaient heureux, même en restant muets, d'échapper aux violences. Croyant les conjurés bien plus nombreux qu' ils n'étaient, ils avaient le sentiment d'une impuissance complète. La ville était trop grande et ils ne se connaissaient pas assez les uns les autres, pour qu'il leur fût possible de découvrir ce qu'il en était vraiment. Dans ces conditions, si indigné qu'on fût, on ne pouvait confier ses griefs à personne. On devait donc renoncer à engager une action contre les coupables, car il eût fallu pour cela s'adresser soit à un inconnu, soit à une personne de connaissance en qui on n'avait pas confiance. Dans le parti démocratique, les relations personnelles étaient partout empreintes de méfiance et l'on se demandait si celui auquel on avait affaire n'était pas de connivence avec les conjurés. Il y avait en effet parmi ces derniers des hommes dont on n'aurait jamais cru qu'ils se rallieraient à l'oligarchie. »
(Un lien vous envoie en cliquant sur le titre de l'article vers le site de l'association Thucydide créée par des historiens dénonçant l'exploitation spectaculaire des événements de société au détriment de l'analyse des causes profondes de ceux-ci. Posture à méditer dans le règne du spectaculaire intégré).

2 Comments:

Blogger Chez Buzenval said...

C'est vraiment très intéressant et enrichissant. Finalement la société qu'on a créé aujourd'hui n'a peut-être pas changé sur le fond...

29/11/05 07:34  
Anonymous Anonyme said...

Tout d'abord, la paralysie dont parle Thucydide était due en grande partie au fait que l'on pensait les conjurés plus nombreux qu'ils ne l'étaient. Comme de nos jours.
Par ailleurs, je me demande si ce n'est pas un piège d'observer que la société ne change pas sur le fond. Cela mène à la conclusion fataliste très répandue qu'il n'y a rien à faire et que la société humaine ne sera jamais faite que de bourreaux et de victimes. C'est commode...
Quant à Thucydide, j'apprécie la limpidité de son langage. Il analyse scrupuleusement, il ne pontifie pas.
Qui plus est, il n'a nul besoin de citer quelque penseur phare de l'époque pour être certain d'être pris au sérieux, si vous voyez ce que je veux dire (ras le bol de l'obligation de citer Debord pour être entendu de temps à autres...)

4/12/05 13:11  

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