vendredi, septembre 09, 2005

Le Mexique, Octavio et Lola


Pourquoi le Mexique ? De quelle nature peut bien être cette fascination que ce pays exerce sur moi depuis de si longues années ? Pourquoi cet "ailleurs", comme on élit un "autre" soi-même, et pas un autre précisément ? Sans doute parce que le Mexique, qu'André Breton voyait comme "étant surréaliste vingt-quatre heures sur vingt-quatre", répond parfaitement à toutes mes attentes, qu'elles soient politiques, esthétiques, anthropologiques. Parce qu'il est un hymne à être autre chose que ce que nous offrent les sociétés occidentales dont la dégénéresence structurelle a connue son acme dans le sud des Etats-Unis dernièrement.
Alors quoi d'autre ? Tout. Les différents niveaux de réalités révélés par la conscience cosmique des quelques cinquante-six ethnies indiennes répertoriées, les yaquis fiers et sublimes du nord et les tzotziles rayonnants du Chiapas, en pleine guerre larvée, la musique ranchera "del norte", Lola Beltran (c'est elle en photo) et la maison en ruine de Maria Felix retrouvée au hasard d'une pérégrination dans un village oublié.
Et Octavio Paz qui ne cesse d'éclairer la nuit dans laquelle nous sommes. J'ai retrouvé il y a peu une introduction qu'il avait écrite, peu après avoir été nobélisé, pour la plaquette de présentation de la manifestation "Les belles étrangères" à Paris en 1991. Je vous en propose un extrait.
"Le Mexique est un fragment, une partie d'une hsitoire beaucoup plus vaste. Les révolutions contemporaines en Amérique-latine ont été et sont des réponses à l'insuffisance du développement, d'où procèdent aussi bien leur justification historique que leurs fatales et évidentes limites. Les modèles de développement que nous offrent aussi bien l'Est et l'Ouest sont des compendiums d'horreurs : pourrons-nous à notre tour inventer des modèles plus humains et qui correspondent mieux à ce que nous sommes ? (...)
Allons-nous enfin nous montrer capables de penser une société qui ne soit pas fondée sur la domination d'autrui et qui ne nous mène ni aux glacials paradis policiers de l'Est ni aux explosions de nausée et de haine qui interrompent le festin de l'Occident ?"

samedi, septembre 03, 2005

Mourrez, damnés de la terre !

De quelle naïveté pouvez-vous encore vous prévaloir vous qui avez sans doute eu des vacances complètes, retrouverez la trépidente vie de bureau, oh combien enrichissante, à la rentrée, où vous aurez d'ailleurs l'insigne privilège de causer du dernier roman de Michel Houellebecq, vu que c'est de cela qu'on cause sur son lieu de travail, pour imaginer encore que les quelques catastrophes de l'été ne sont finalement qu'une fatalité de plus auxquelles il est facile d'échapper statistiquement. Seulement voilà, ces faits divers, à savoir la mort de dizaine d'enfants issus de l'immigration brûlés vifs à Paris, ces chutes étranges d'avions pourtant modernes, et, cerise sur le gâteau, ces milliers de morts de la Louisiane cette semaine, ne sont les fruits du hasard que pour les quelques millions d'endormis que beaucoup sont encore, assoupis intellectuellement par la pseudo-abondance prodiguée par la bienfaisante société de consommation.
Le fait que dans des sociétés richissimes comme la nôtre, des familles maliennes dont les enfants sont nés en France et scolarisés dans les écoles de la République se retrouvent parquées comme des animaux dans des taudis en plein Paris n'est que le produit des logiques d'exclusion sur lesquelles cette société d'abondance (cessons de l'appeler ainsi !) se repaît. Un même signe viens de nous parvenir des Etats-Unis, où un long travelling télévisé dans les rues de la Nouvelle-Orleans dévastée, parle plus que les centaines d'études statistiques pourtant publiées sur la ségrégation sociale à l'oeuvre dans la grande puissance occidentale : ils sont tous noirs ceux qui hurlent à l'aide dans les rues ! Quelle honte pour tous ces dirigeants politiques qui ont consciencieusement parqués leurs "nègres" dans des cages symboliques, à savoir là où ils risquent le plus, dans des immeubles insalubres, parfois construits, comme en Louisianne, sur des zones innondables. Quel cynisme institutionnel !
Au-delà du constat c'est bien la logique capitaliste dans toute sont étendue qu'il faut lire en filigrane de ces faits-divers sordides. Les exclus du sytème sont "marqués" comme victimes avant d'être suspectés d'être des coupables potentiels. Voyez comment la garde nationale aux Etats-Unis installe les réflexes d'une "préférence" économique en choisissant de défendre plutôt les marchadises que les êtres humains. Cela parle autant que le travelling de tout-à-l'heure qui ne montrait que des visages noirs, ceux des pauvres gens qui n'ont pas pu, ou pas su, car pas aidés ou informés suffisament, quitter la ville. A Paris, ce sont des années de politique spéculative dans laquelle vous êtes nombreux à vous fourvoyer car c'est tellement bon de faire une petite culbute sur une revente d'appartement et de fermer les yeux de retour au bureau pour ne parler que de ce qui est important : la rentrée littéraire.
Et les avions me direz-vous ? Que viennent-ils faire là-dedans ? Mais ces avions mal entretenus sont ceux que vous courtisez en recherchant à tout prix le voyage le plus rentable vers la plage de vos rêves médiocres, sur laquelle vous lisez sans doute le dernier Houellebecq ou le Da Vinci Code, sans savoir que vous poussez le système à répondre en tirant la qualité vers le bas. En avion ça ne pardonne pas. Pour une veste importée de Chine ou d'ailleurs, ce sont les coutures qui claquent, c'est moins grave. Comment croyez-vous que l'on arrive à vous offrir des bas prix sur tout un ensemble de produits ? En rognant sur la qualité et le coût de la main d'oeuvre.
Une jeunesse qui s'habille en Gap et qui écoute du MP3 plutôt que de se révolter ne suscite pas mon respect. C'est une façon moderne de collaborer et de rejoindre les porcs du PS, version "Ferme des animaux", de George Orwell, et de se taire sur ce que l'on savait tous, depuis des années, car on passait devant ces squats de Paris et on connaissait ces baraques de Louisianne en bois si typiques.